Cour de cassation
Chambre civile 1
28 Janvier 2010
Rejet
N° 08-70.248
Publié au Bulletin
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Donne acte à la société Omega Pharma France de sa reprise d’instance ;
Sur le moyen unique :
Attendu que par contrat du 4 juin 1999, la société Photoalto a acquis les droits de reproduction de quatre vingt quatre photographies de Mme X… réalisées par M. Y… auquel elle avait le 1er mai 1997 cédé ses droits d’utiliser ces photographies dans les termes suivants :
« le modèle cède au photographe le droit d’utiliser son image résultant des photographies prises par le photographe Pierre Y… la semaine du 10 au 17 mai à la Martinique. La présente cession est accordée sans limitation de durée ni de lieu pour tout usage national ou international… Le modèle autorise le photographe à procéder par tous procédés connus ou inconnus à ce jour et sur tous supports (presse, édition, publicité, etc…) À toute reproduction des photographies dont il s’agit en tel nombre qui lui plaira et toute exploitation commerciale et notamment publicitaire des photographies dont il s’agit par le photographe ou ses ayants droit. Le photographe veillera à ce que les photographies ne soient pas utilisées dans le cadre d’article pouvant porter préjudice au modèle (prostitution, sida etc…). En contrepartie de la cession au photographe d’utiliser son image, le modèle percevra la somme forfaitaire et définitive de 15 000 francs ((ici se trouve une astérisque avec le précision suivante : net pour trois jours de travail payés par l’intermédiaire de l’agence Elan) étant précisé que le modèle renonce expressément à toute rémunération proportionnelle compte tenu, notamment, de ce que la base du calcul d’une participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminé » ; que les photographies ayant été insérées dans des disques édités par la société Photoalto et dont une licence d’utilisation a été acquise par la société Delta Pharm à des fins publicitaires, Mme X… a assigné la société Photoalto, M. Y… et la société Delta Pharm en indemnisation du préjudice qu’elle aurait subi à la suite de l’utilisation de son image sur des sites internet, des documents publicitaires sans son autorisation ;
Qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir débouté Mme X… de sa demande tendant à ce que le contrat conclu avec M. Y… le 1er mai 1997 soit annulé et à ce qu’elle soit indemnisée des préjudices qu’elle a subis, en raison de l’exploitation non autorisée de son image alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d’appel qui, tout en constatant que la cession avait été accordée sans limitation de durée ni de lieu et que le photographe avait été autorisé à reproduire les photographies par tous procédés connus et inconnus à ce jour, ce dont il résultait que l’autorisation ainsi consentie était illimitée, a néanmoins jugé que le contrat de cession était valable a violé les articles 9, 1108 et 1134 du code civil ;
2°/ qu’en se bornant à énoncer que la rémunération forfaitaire convenue couvrait la cession au photographe d’utiliser l’image de Mme X… et qu’aucune disposition ne prévoyait au profit d’un mannequin une rémunération proportionnelle à l’exploitation de son image, la cour d’appel n’a pas répondu au moyen par lequel cette dernière faisait valoir, dans ses conclusions d’appel, que le prix fixé au contrat était vil, violant ainsi les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu’en se bornant, pour écarter le moyen par lequel Mme X… faisait valoir que la rémunération prévue ne concernait que ses journées de pose, à énoncer qu’il avait été stipulé que la rémunération forfaitaire convenue couvrait la cession au photographe du droit d’utiliser son image et donc de faire une application littérale de cette clause, sans rechercher si la mention manuscrite précisant que le prix de 15 000 francs était net pour trois jours de travail ne contredisait pas ladite clause et ne l’obligeait donc pas à se livrer à la recherche de la commune intention des parties, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la cour d’appel a retenu que Mme X… avait librement consenti à la reproduction des clichés de son image précisément identifiés, de sorte que l’autorisation ainsi donnée à l’exploitation de celle-ci n’était pas illimitée ; que le moyen qui n’est pas fondé en sa première branche et manque en fait en ses deux autres ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Madame X… fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de sa demande tendant à ce que le contrat qu’elle a conclu avec monsieur Pierre Y…, le 1er mai 1997, soit annulé et à ce qu’elle soit indemnisée des préjudices qu’elle a subis, en raison, de l’exploitation non autorisée de son image ;
AUX MOTIFS QUE le 1er mai 1997, Virginie X… a signé avec Pierre Y… un contrat dénommé « cession de droits » ainsi libellé : « le modèle cède au photographe le droit d’utiliser son image résultant des photographies prises ?. la semaine du 10 au 17 mai à la Martinique. La présente cession est accordée sans limitation de durée ni de lieu, pour tout usage national ou international et maintenue même en cas de modification, quelle qu’elle soit, de l’état civil du modèle. Le modèle autorise le photographe à procéder par tous procédés connus ou inconnus à ce jour et sur tous supports (presse, édition, publicité, etc?) à toute reproduction des photographies dont il s’agit, en tel nombre qu’il lui plaira et toute exploitation commerciale et notamment publicitaire des photographies dont il s’agit par le photographe ou ses ayant-droits ? . En contrepartie de la cession au photographe du droit d’utiliser son image tel que mentionné aux articles 2 et 3 avant, le modèle percevra la somme forfaitaire et définitive de 15.000 francs, étant précisé que le modèle renonce expressément à toute rémunération proportionnelle compte tenu, notamment, de ce que la base du calcul d’une participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée » ; que force est de constater que ce contrat répond aux conditions de l’article 1108 du code civil dès lors qu’il a été librement signé, que Virginie X… avait la capacité pour ce faire, que son objet est certain, que la cause de l’obligation est licite ; que Virginie ne saurait prétendre que la convention serait dépourvue d’objet, alors que la mention du nom du photographe, la date du document permettent d’identifier les photographies objet de la cession, peu important que l’autorisation ait précédé la réalisation desdits clichés ; qu’elle n’est pas davantage fondée à soutenir que la durée de la cession étant illimitée, la convention serait de nullité absolue ; qu’en effet, à défaut de terme stipulé, cet acte s’analyse en un contrat à durée indéterminée susceptible d’être dénoncé et résilié à tout moment par chacune des parties, de sorte qu’il n’encourt aucune nullité ; que contrairement à ce que soutient Virginie X…, la nature des supports concernés (tous supports, presse, édition, publicité etc?) et le domaine de l’autorisation donnée (tout usage national ou international) ont été contractuellement fixés ; que le caractère étendu de l’autorisation donnée n’est pas en soi de nature à vicier la cession des droits, le principe de l’autonomie de la volonté autorisant les parties à déterminer les limites de leurs droits et obligations ; que Virginie X… prétend également vainement que la rémunération prévue au contrat ne concernerait que ses journées de pose alors qu’il est expressément stipulé que la rémunération forfaitaire convenue couvre la cession au photographe du droit d’utiliser son image et d’autre part qu’aucune disposition légale ou d’usage ne prévoit au profit d’un mannequin une rémunération proportionnelle à l’exploitation de son image, de la durée et de l’étendue de cette exploitation ; qu’il s’ensuit, qu’en concédant, en parfaite connaissance de cause, l’exploitation des photographies prises au cours de la semaine du 10 au 17 mai 1997, sous toutes ses formes et par tous procédés techniques, sans aucune restriction et sans limitation de durée, Virginie X… a nécessairement autorisé Pierre Y… au profit duquel elle a signé le contrat, à céder les droits d’exploitation de son image sous réserve que cette exploitation n’excède pas les limites fixées contractuellement (utilisation dans le cadre d’articles pouvant porter préjudice au modèle : prostitution, sida) et a donné son accord pour que son image soit exploitée à des fins commerciales et publicitaires ; que de sorte, elle ne saurait remettre en cause les effets du contrat auquel elle a valablement consenti ;
1°) ALORS QUE si le droit à l’image peut faire l’objet d’un contrat, les limites de l’autorisation qui est donnée contractuellement par le titulaire de ce droit doivent cependant, dès lors que celui-ci est constitutif d’un droit de la personnalité, être suffisamment claires et précises quant à la durée, le domaine géographique, la nature des supports, le mode de reproduction et l’exclusion de certains contextes ; que la cour qui, tout en constatant que la cession avait été accordée sans limitation de durée ni de lieu et que le photographe avait été autorisé à reproduire les photographiques par tous procédés connus et inconnus à ce jour, ce dont il résultait que l’autorisation ainsi consentie était illimitée, a néanmoins jugé que le contrat de cession conclu entre madame X… et monsieur Y… était valable, a violé les articles 9, 1108 et 1134 du code civil ;
2°) ALORS QUE le prix d’une cession, y compris celle portant sur le droit à l’image, doit être réel et sérieux ; qu’en se bornant à énoncer que la rémunération forfaitaire convenue couvrait la cession au photographe du droit d’utiliser l’image de madame X… et qu’aucune disposition ne prévoyait au profit d’un mannequin une rémunération proportionnelle à l’exploitation de son image, la cour d’appel n’a pas répondu au moyen par lequel cette dernière faisait valoir, dans ses conclusions d’appel, que le prix fixé au contrat était vil, violant ainsi les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU’il incombe aux juges du fond de se livrer à l’interprétation des clauses d’un contrat lorsque celles-ci sont ambiguës et contradictoires, en recherchant quelle a été la commune intention des parties ; que dès lors, en se bornant, pour écarter le moyen par lequel madame X… faisait valoir que la rémunération prévue ne concernait que ses journées de pose, à énoncer qu’il avait été stipulé que la rémunération forfaitaire convenue couvrait la cession au photographe du droit d’utiliser son image et donc à faire application une application littérale de cette clause, sans rechercher si la mention manuscrite précisant que le prix de 15.000 francs était « net pour 3 jours de travail » ne contredisait pas ladite clause et ne l’obligeait donc pas à se livrer à la recherche de la commune intention des parties, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil.