Il s’agit d’un nouveau cadre juridique plus adapté aux besoins des entrepreneurs, qui devrait inciter ces derniers, globalement attachés à l’entreprise individuelle, à créer un patrimoine professionnel distinct de leur patrimoine personnel, sans devoir pour autant créer une société.
Le texte conditionne néanmoins l’entrée en vigueur des articles concernant le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée à la publication de l’ordonnance destinée à adapter au patrimoine affecté les procédures collectives du livre VI du Code de commerce, laquelle interviendra dans les 6 mois suivant la publication du texte au JO. Normalement, le nouveau statut entrera en vigueur le 1er janvier 2011.
L’objectif du texte est de permettre à l’entrepreneur de déclarer, au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers selon le cas, la liste des biens qu’il affecte à son activité professionnelle et de distinguer ce patrimoine de son patrimoine personnel. L’entrepreneur restera propriétaire des deux patrimoines et la déclaration d’affectation n’entraînera pas la création d’une personne morale. En cas d’affectation d’un bien immobilier, l’entrepreneur devra avoir recours à un notaire (l’affectation fera également l’objet d’une publication au bureau des hypothèques).
Le principe général de la réforme est que le patrimoine personnel est le gage des créanciers personnels de l’entrepreneur, tandis que le patrimoine professionnel constitue le gage de ses créanciers professionnels.
Le contenu de la loi
- création du statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée : la procédure d’affectation du patrimoine professionnel, les droits des créanciers, les règles d’étanchéité des patrimoines personnel et professionnel, les obligations comptables, les règles de la liquidation, de reprise et de transfert du patrimoine.
- possibilité pour un mineur de créer une EIRL (y compris les actes d’administration nécessaires à la création d’une EIRL).
- centralisation du répertoire national des métiers par l’assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat.
- principe d’assimilation fiscale de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou à une exploitation agricole à responsabilité limitée et possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés.
organisation de la levée de l’étanchéité entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel, en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée des obligations fiscales. - extension aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, ainsi qu’aux sociétés à responsabilité limitée, exploitations agricoles à responsabilité limitée et sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée à associé unique, du bénéfice de la limitation à 2 ans du droit de reprise de l’administration fiscale en matière d’IR, d’IS et de taxes sur le chiffre d’affaires.
- assujettissement aux prélèvements sociaux du revenu professionnel des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée optant pour l’IS.
- levée de l’étanchéité des patrimoines en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de la législation de la sécurité sociale
- extinction du mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité.
adaptation des règles relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, en matière de droit des sûretés, de droit des procédures civiles d’exécution et de surendettement, de régimes matrimoniaux et de droit des successions. - liste des garanties pouvant être exigées des entrepreneurs individuels par un établissement de crédit.
Conditions de dépôt de la déclaration d’affectation
Selon le nouvel article L526-6-1, la constitution du patrimoine affecté est conditionnée au dépôt d’une déclaration effectué :
- soit au registre de publicité légale auquel l’entrepreneur individuel est tenu de s’immatriculer ;
- soit au registre de publicité légale choisi par l’entrepreneur individuel en cas de double immatriculation ; dans ce cas, mention en est portée à l’autre registre ;
- soit, pour les personnes physiques qui ne sont pas tenues de s’immatriculer à un registre de publicité légale ou pour les exploitants agricoles, à un registre tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du lieu de leur établissement principal.
Les organismes chargés de la tenue de ces registres n’acceptent le dépôt de la déclaration qu’après avoir vérifié qu’elle comporte :
- un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l’activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur ;
- la mention de l’objet de l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté. La modification de l’objet donne lieu à mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration.
- le cas échéant, les documents attestant de l’accomplissement des formalités requises.
La formalité de dépôt de la déclaration est gratuite lorsque la déclaration est déposée simultanément à la demande d’immatriculation au registre de publicité légale.
Formalités requises
L’affectation d’un bien immobilier ou d’une partie d’un tel bien doit être reçue par acte notarié et publiée au bureau des hypothèques ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier de la situation du bien. L’entrepreneur individuel qui n’affecte qu’une partie d’un ou de plusieurs biens immobiliers désigne celle-ci dans un état descriptif de division.
L’établissement de l’acte notarié et l’accomplissement des formalités de publicité donnent lieu au versement d’émoluments fixes dans le cadre d’un plafond qui sera déterminé par décret.
Lorsque l’affectation d’un bien immobilier ou d’une partie d’un tel bien est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt d’une déclaration complémentaire au registre.
Tout élément d’actif du patrimoine affecté, autre que des liquidités, d’une valeur déclarée supérieure à un montant qui sera fixé par décret fait l’objet d’une évaluation au vu d’un rapport annexé à la déclaration et établi sous sa responsabilité par un commissaire aux comptes, un expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité ou un notaire désigné par l’entrepreneur individuel. L’évaluation par un notaire ne peut concerner qu’un bien immobilier.
Lorsque l’affectation d’un bien est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle fait l’objet d’une évaluation dans les mêmes formes et donne lieu au dépôt d’une déclaration complémentaire au registre.
Lorsque la valeur déclarée est supérieure à celle proposée par le commissaire aux comptes, l’expert-comptable, l’association de gestion et de comptabilité ou le notaire, l’entrepreneur individuel est responsable, pendant une durée de 5 ans, à l’égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur proposée par le commissaire aux comptes, l’expert-comptable, l’association de gestion et de comptabilité ou le notaire et la valeur déclarée.
En l’absence de recours à un commissaire aux comptes, à un expert-comptable, à une association de gestion et de comptabilité ou à un notaire, l’entrepreneur individuel est responsable, pendant une durée de 5 ans, à l’égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur réelle du bien au moment de l’affectation et la valeur déclarée.
Le cas particulier de l’affectation de biens communs ou indivis
Aux termes de l’article L526-10 du Code de commerce, lorsque tout ou partie des biens affectés sont des biens communs ou indivis, l’entrepreneur individuel justifie de l’accord exprès de son conjoint ou de ses co-indivisaires et de leur information préalable sur les droits des créanciers sur le patrimoine affecté. Un même bien commun ou indivis ou une même partie d’un bien immobilier commun ou indivis ne peut entrer dans la composition que d’un seul patrimoine affecté.
Lorsque l’affectation d’un bien commun ou indivis est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt d’une déclaration complémentaire au registre.
Quelques règles à connaître…
1) – L’entrepreneur individuel à responsabilité limitée détermine les revenus qu’il verse dans son patrimoine non affecté.
2) – Le non-respect des règles prévues entraîne l’inopposabilité de l’affectation.
L’enregistrement de la déclaration d’affectation est opposable :
- de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt
- aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt à la condition que l’EIRL le mentionne dans la déclaration d’affectation et en informe les créanciers dans des conditions fixées par voie réglementaire
Dans ce cas, les créanciers concernés peuvent former opposition à ce que la déclaration leur soit opposable dans un délai fixé par voie réglementaire. Une décision de justice rejette l’opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties, si l’entrepreneur individuel en offre et si elles sont jugées suffisantes.
A défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la déclaration est inopposable aux créanciers dont l’opposition a été admise.
L’opposition formée par un créancier n’a pas pour effet d’interdire la constitution du patrimoine affecté.
3) – Aménagement du régime des sûretés.
Par principe, quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers, et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence.
Par dérogation à cette règle prévue aux articles 2284 et 2285 du Code civil :
- les créanciers auxquels la déclaration d’affectation est opposable et dont les droits sont nés à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ont pour seul gage général le patrimoine affecté ;
- les autres créanciers auxquels la déclaration est opposable ont pour seul gage général le patrimoine non affecté.
Cette règle vaut en l’absence de fraude. En effet, l’entrepreneur reste responsable sur la totalité de ses biens et droits en cas de fraude ou en cas de manquement grave aux règles prévues au deuxième alinéa de l’article L526‑6 ou aux obligations relatives à la tenue d’une comptabilité autonome.
En cas d’insuffisance du patrimoine non affecté, le droit de gage général des autres créanciers cités ci-dessus, peut s’exercer sur le bénéfice réalisé par l’EIRL lors du dernier exercice clos.
4) – Obligation de gestion autonome de l’activité professionnelle.
Selon l’article L526-12, l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté fait l’objet d’une comptabilité autonome, établie dans les conditions définies aux articles L123-12 à L123-23 et L123-25 à L123-27 du Code de commerce, sauf ceux pouvant tenir une comptabilité simplifiée.
L’entrepreneur individuel à responsabilité limitée est tenu de faire ouvrir dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l’activité à laquelle le patrimoine a été affecté.
Les comptes annuels de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée ou, le cas échéant, le ou les documents résultant des obligations comptables simplifiées sont déposés chaque année au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration d’affectation pour y être annexés. A compter de leur dépôt, ils valent actualisation de la composition et de la valeur du patrimoine affecté.
Situations dans lesquelles cesse la déclaration d’affectation
Principe
En cas de renonciation de l’EIRL à l’affectation ou en cas de décès de celui-ci, la déclaration d’affectation cesse de produire ses effets. Toutefois, en cas de cessation, concomitante à la renonciation, de l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ou en cas de décès, les créanciers conservent pour seul gage général celui qui était le leur au moment de la renonciation ou du décès (article L526-14 du Code de commerce).
En cas de renonciation, l’entrepreneur individuel en fait porter la mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration d’affectation. En cas de décès, un héritier, un ayant droit ou toute personne mandatée à cet effet en fait porter la mention au même registre.
Exceptions
Toutefois, l’affectation ne cesse pas dès lors que l’un des héritiers ou ayant droit de l’entrepreneur individuel décédé, sous réserve du respect des dispositions successorales, manifeste son intention de poursuivre l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine était affecté. La personne ayant manifesté son intention de poursuivre l’activité professionnelle en fait porter la mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration d’affectation dans un délai de 3 mois à compter de la date du décès.
La reprise du patrimoine affecté, le cas échéant après partage et vente de certains des biens affectés pour les besoins de la succession, est subordonnée au dépôt d’une déclaration de reprise au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration d’affectation.
L’entrepreneur peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine affecté et en transférer la propriété sans procéder à sa liquidation.
La cession à titre onéreux ou la transmission à titre gratuit entre vifs du patrimoine affecté à une personne physique entraîne sa reprise avec maintien de l’affectation dans le patrimoine du cessionnaire ou du donataire. Elle donne lieu au dépôt par le cédant ou le donateur d’une déclaration de transfert au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration d’affectation et fait l’objet d’une publicité. La reprise n’est opposable aux tiers qu’après l’accomplissement de ces formalités.
La cession du patrimoine affecté à une personne morale ou son apport en société entraîne transfert de propriété dans le patrimoine du cessionnaire ou de la société, sans maintien de l’affectation. Elle donne lieu à publication d’un avis. Le transfert de propriété n’est opposable aux tiers qu’après l’accomplissement de cette formalité.